Par Suzie
Photo | La Cardinal Photographe
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Parce que vivre sa vie, c’est comme prendre la route.

Chauffeur ou helper?

Quand j’étais jeune, j’adorais conduire. J’avais à peine 9 ou 10 ans et je demandais constamment à mes parents de pouvoir tenir le volant ou même m’asseoir directement devant. Parfois, je m’amusais même à faire semblant de conduire alors que la voiture était bien immobilisée dans la cours de la maison et soyez sans crainte, sans clés.

C’est comme si de conduire c’était pour les grands et ça semblait être amusant. Je ne sais pas si c’est parce que quand on conduit, on a la possibilité de tourner à gauche et puis à droite quand bon nous semble ou parce que ça occupait mieux un trajet en voiture tout simplement.

À bien y penser aujourd’hui, je crois que c’était les directions que je pouvais prendre qui me donnait l’envie de tenir fermement un volant avec mes petites mains de filles de 10 ans.

Quand j’ai eu 16 ans, croyez-moi que mon rendez-vous pour mon examen de conduite était pris. Pendant un an, je pouvais enfin contrôler le volant de mes mains mais je ne pouvais pas nécessairement prendre toutes les décisions dû à mon père ou à mère qui était à mes côtés. Au moins, ça me préparait. C’est comme si on m’annonçait que j’allais enfin pouvoir prendre la route, volant à la main, petit sapin accroché au miroir, musique dans le tapis, adios los amigos! Mon petit sapin sentait la liberté à plein nez. Mais avant de m’aventurer pour ce voyage, qui se ferait seul, mes parents devaient vérifier que j’étais prête.

© La Cardinal Photographe

Prête à partir sans eux. Prête à quitter le nid familial. Prête à couper le cordon et devenir une grande fille. Prête à laisser entrer d’autres personnes dans ma vie, que j’allais probablement plus voir souvent que je pouvais les voir, mes parents.

Et puis le grand jour est enfin arrivé. Ceinture bouclée, lunettes fumées et bonne musique, rien ne pouvait m’arrêter. Je suis partie. J’ai pris le lift de ma vie.

J’ai roulé un peu, j’ai embarqué quelques amis au passage. On a fait des arrêts, on a fait la fête. Pas très longtemps durant cette période, environ une session de cégep. En revenant des vacances de Noël passées chez mes parents, j’ai repris la route seule pour revenir dans mon grand appartement. Et tout a changé en arrivant…

J’avais juste 18 ans. Pi desfois de conduire seule et dans la grande ville, je trouvais ça épeurant. Et c’est là qu’on m’a offert un lift. Je me suis dit que ça ferait pour un bon moment. Un très long moment. Tout le long du trajet, jamais je me suis dit que j’étais là  »en attendant ».

J’ai embarqué avec toi durant 5 ans. T’avais une belle bagnole, qui flashait pas mal plus que la mienne pi t’étais beau en sacrament. Et t’étais fin aussi, du moins, une bonne partie.

C’était bien ce trajet. C’était confortable. Desfois la chaufferette brisait ou on dépassait un peu le changement d’huile, ce qui causait des petits problèmes, mais rien d’alarmant. J’étais assise à côté de toi, amoureuse comme une fillette. En admiration devant ces beaux yeux bleu, on était tellement amoureux.

Sauf que j’ai jamais regardé le trajet. Je pense que ta beauté m’éblouissait.

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Et j’ai fini par m’oublier. Et j’ai été trop longtemps assise à côté. Je n’ai pas pu me pratiquer. Et c’est là que je me suis mise à douter et que j’ai commencé à vouloir débarquer. Ça a été long avant de s’arrêter. Tu disais toujours qu’on étaient bon pour quelques kilomètres encore, qu’on arriverait bientôt, que j’étais pas patiente ni persévérante. Souvent même, tu me disais qu’on était arrivé, mais dès que tu commençais à rouler, je courrais en arrière de la voiture pour que je puisse ré-embarquer. Pour que je puisse m’asseoir à côté.

Le temps d’une réconciliation et tout semblait rouler. La voiture, et nous aussi. Mais je commençait à vouloir faire des arrêts plus régulièrement. Le petit sapin d’autrefois, accroché au miroir ne sentait plus pareil. Il ne sentait plus la liberté et encore moins l’amour. Il sentait que… j’avais une vie et que j’avais l’impression de passer à côté.

Parce que je n’arrivais pas à la contrôler. Ni ma vie, ni ton volant. Tu étais toujours assis devant et tu le tenais beaucoup trop fermement.

Et c’est à ce moment que j’ai pris le peu de courage qui me restait et que je t’ai annoncé que c’était fini. J’avais besoin de réapprendre à conduire, de reprendre mon auto et de fuir. De retrouver ce qui, autrefois, me faisais sourire. D’oublier un peu nos souvenirs qui me faisaient toujours plus souffrir.

Cette fois-ci, t’avais plus de roue de secours pour me faire croire qu’on pouvait réparer notre amour.

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Je suis partie en courant et j’ai marché. J’ai marché un long moment, j’ai marché des années. Je ne prenais pas le lift, même quand quelqu’un était arrêté et me disait d’embarquer. J’ai préféré faire ma route du retour seule. En grattant le fond de mes poches, j’ai ramassé toutes les petites miettes de courage et de fierté qui me restait, après une relation qui m’avait trop dévasté. Ça a été long à recoller. Mais je suis finalement arrivée.

Arrivée à mon endroit préféré, à mon endroit qui me faisait sentir chez moi. J’ai réappris à tenir mon volant et j’ai repris goût à la liberté. J’ai décidé de partir seule à nouveau sur ma route, mais d’être mon propre lift. C’est pas bon pour l’environnement, je le sais, mais j’ai décidé de la faire seule, les portes verrouillées pour être sur que personne n’allait vouloir embarquer.

Et j’ai ressorti mes lunettes fumées et puis mon country. Je suis repartie sur ma route pour me reconstruire et de me redéfinir. J’ai même enterrées de vieux souvenir qui m’avaient trop fait souffrir à quelque part sur la route entre Québec et beaucoup de ville.

Je suis finalement arrivée à destination, passant par toutes les émotions, j’ai appris à dire non et à bumper les morrons.

Maintenant, je suis prête à repartir et cette fois-ci, je suis game de t’offrir un lift. Ça va même me faire plaisir.

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Et si pour toi aussi vient un moment où tu crois qu’il n’y a de la place que pour toi dans ta voiture, ne te gêne pas pour me le dire. Je vais te comprendre et te laisser partir pour te voir guérir, tu peux en être sûr.

Parce que la vie est un voyage avec des gens qu’on embarque au passage, mais surtout un voyage qui doit être à notre image.

J’embarque dans mon auto, enfile mes lunettes fumées, pèse sur «play» et chante à tue tête life is a highway en repensant à toutes ces belles et folles années.

Qui ont fait de moi la femme que je suis aujourd’hui, la vraie et l’authentique Suzie.

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3 réponses à « Le lift de ma vie »

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